Journée Hivigo avec Vincent de Gaulejac
Compte rendu de la journée du 10 décembre
2005
rédigé par Patrice Audurier
Journée favorable à la réflexion sur la société
en compagnie de Vincent De Gaulejac qui était présent
face à un public venu nombreux pour évoquer les deux sujets
suivants :
Roman familial et trajectoire sociale ainsi que La société
malade de la gestion.
Après une introduction évoquant l’éthique
réalisée par Christine Abels-Eber, Vincent De Gaulejac
entreprit de développer les éléments qui animent
sa réflexion.
Ainsi, invitant Bourdieu, Freud, Sartre et d’autres
auteurs tels que Robert Castel, cet ancien éducateur spécialisé
développa son approche du sujet dans son existence. Quel sens
peut-il être accordé aux événements ?
Suite à son exposé, il répondit
avec précision aux questions que le public posa. Ces interrogations
concernaient la méthodologie utilisée en sociologie clinique
ainsi que les effets de la narration, de dire son récit de vie.
Est-ce interminable ? Quelles sont les dérives ?
L’après-midi, Vincent De Gaulejac résuma
le contenu de son ouvrage fort critique à l’égard
de la logique gestionnaire. Selon cet auteur, l’ensemble de la
société est dorénavant contaminé et colonisé
par la gestion. Chaque individu se doit de gérer son capital
humain, de le faire fructifier.
Or, cette logique gestionnaire provoque une crise majeure
du sens. Elle renforce les luttes de place en pratiquant l’exclusion
et en développant l’individualisation, participe à
la production d’une société harcelante où
chacun peut connaître la position d’harceleur/harcelé.
En offrant une gestion plus humaine des ressources
et en redonnant du sens à l’action, la société
peut favoriser un épanouissement différent que celui connu
en ces jours. Ce professeur soumet la conclusion suivante dans son ouvrage
:
« La gestion conduit à canaliser les énergies
et les pensées sur un ordre social soumis à des intérêts
économiques. Sa critique débouche sur une réhabilitation
de l’action politique dans sa conception la plus noble : construire
un monde commun dans lequel la préoccupation de l’autre
l’emporte sur l’intérêt individuel. Un monde
dans lequel on retrouve « la joie de donner en public ».
Un monde dans lequel la compétition serait réservée
au jeu et à la collaboration à l’économie.
Un monde dans lequel la richesse produite serait consacrée à
réduire les inégalités sociales et éradiquer
la misère. Un monde dans lequel l’exploitation des ressources
ne serait plus conçue sur le mode du pillage, mais sur celui
de la conservation et du renouvellement des ressources naturelles. Un
monde construit pour que chaque humain puisse avoir une place comme
citoyen, comme sujet et comme acteur. Un monde dans lequel le bien-être
de tous serait plus précieux que l’avoir de chacun. Non
plus un monde à gérer, mais un monde à aimer, que
nous serions fiers de transmettre à nos petits-enfants. ».
(p259)
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