Hivigo
Histoires de vie Grand Ouest

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BILAN DE COMPETENCES ET HISTOIRE DE VIE

Compte-rendu de la journée d'Hivigo du samedi 25 février 2006


Nous avons souhaité vous présenter le bilan de compétences qui trouve tout à fait sa place dans les présentations faites par HIVIGO, puisqu’il intervient sur et dans l’histoire de vie des personnes qui en sont bénéficiaires.

Nous avons favorisé des interventions courtes afin de pouvoir privilégier l’échange avec vous, compagnons de route que la curiosité a conduit à venir partager avec nous, une réflexion autour du bilan de compétences.

Les intervenants sont :
Morgane Bindel, accompagnatrice en bilan de compétences
Nathalie Herranz, bénéficiaire d’un bilan de compétences
Cécile Lerailler, accompagnatrice en bilan de compétences
Evelyne Maussant-Heninger, accompagnatrice en bilan de compétences
et moi-même : Joëlle Bolle, accompagnatrice en bilan de compétences

Vous pourrez trouvez ci-après :
une présentation et articles de loi concernant le bilan de compétences
une présentation de nos interventions
une bibliographie

PRESENTATION ET ARTICLES DE LOI

C’est en 1986, que furent mis en place à titre expérimental par le Ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle, les premiers bilans de compétences personnelles et professionnelles pour des personnes salariées.

Le bilan de compétences vient d’un cadre de lois, dont voici quelques extraits (lois qui sont à la base de notre travail, de notre pratique professionnelle).

Article L.900-4-1

Le bilan de compétences ne peut être réalisé qu’avec le consentement du travailleur. La personne qui a bénéficié d’un bilan de compétences au sens de l’article L.900-2 est seule destinataire des résultats détaillés et d’un document de synthèse. Ils ne peuvent être communiqués à un tiers qu’avec son accord. Le refus d’un salarié de consentir à un bilan de compétences ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.

Un employeur ne peut imposer à un salarié de suivre un bilan de compétences ; celui-ci a toujours la possibilité de refuser cette proposition.

L’organisme de bilan est tenu de respecter le caractère confidentiel des informations recueillies lors du bilan de compétences. Il est soumis au secret professionnel, et ne peut communiquer l’ensemble des résultats du bilan qu’au salarié lui-même, qui en est l’unique propriétaire. Seul le document de synthèse peut être transmis à un tiers par le salarié.
Article L.900-2

Entrent également dans le champ d’application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue les actions permettant de réaliser un bilan de compétences. Elle ont pour objet de permettre à des travailleurs d’analyser leurs compétences professionnelles et personnelles ainsi que leurs aptitudes et leurs motivations afin de définir un projet professionnel et le cas échéant, un projet de formation.
Un bilan de compétences doit permettre à un salarié de passer en revue ses activités professionnelles, dans le but :
- de faire le point sur ses expériences personnelles et professionnelles ;
- de repérer et évaluer ses acquis liés au travail, à la formation, à la vie sociale ;
- de mieux identifier ses savoirs, compétences, aptitudes, etc. ;
- de déceler ses potentialités inexploitées ;
- de recueillir et mettre en forme les éléments lui permettant d’élaborer un projet professionnel ou personnel ;
- de gérer au mieux ses ressources personnelles ;
- d’organiser ses priorités professionnelles ;
- de mieux utiliser ses atouts dans des négociations d’emploi ou dans des choix de carrière.

Article R.900-1

Un bilan de compétences au sens de l’article L.900-2 doit comprendre, sous la conduite du prestataire, les trois phases suivantes :

a) une phase préliminaire qui a pour objet :
- de confirmer l’engagement du bénéficiaire dans sa démarche ;
- de définir et d’analyser la nature de ses besoins ;
- de l’informer des conditions de déroulement du bilan de compétences, ainsi que des méthodes de techniques mises en œuvre.

b) une phase d’investigation permettant au bénéficiaire :
- d’analyser ses motivations et intérêts professionnels et personnels ;
- d’identifier ses compétences et aptitudes professionnelles et personnelles et, le cas échéant, d’évaluer ses connaissances générales ;
- de déterminer ses possibilités d’évolution professionnelle.

c) une phase de conclusions qui, qui par la voie d’entretiens personnalisés, permet au bénéficiaire :
- de prendre connaissance des résultants détaillés de la phase d’investigation ;
- de recenser les facteurs susceptibles de favoriser ou non la réalisation d’un projet professionnel, et, le cas échéant, d’un projet de formation ;
- de prévoir les principales étapes de la mise en œuvre du projet. Cette phase de conclusion se termine par la présentation au bénéficiaire du document de synthèse prévu à l’article L.900-4-1.

Un bilan de compétences se déroule en trois phases, et peut donner lieu à plusieurs rendez-vous espacés dans le temps.
Article R.900-2

Le document de synthèse mentionné à l’article L.900-4-1 est élaboré pendant la phase de conclusions du bilan de compétences. Il ne peut comporter d’autres indications que celles définies ci-dessous :
- circonstances du bilan de compétences ;
- compétences et aptitudes du bénéficiaire au regard des perspectives d’évolution envisagées ;
- le cas échéant, éléments constitutifs du projet de formation du bénéficiaire et principales étapes prévues pour la réalisation de ce projet.

Ce document est établi par l’organisme prestataire et sous sa seule responsabilité, est soumis au bénéficiaire pour d’éventuelles observations.

Tous les résultats du bilan de compétences appartiennent au salarié. Le document de synthèse lui est remis à l’issue du bilan de compétences. Il ne contient que des informations utiles à la réalisation de son projet professionnel ou de son projet de formation.

D’autres articles du code du travail peuvent être consultés : L.950-13-1, R-950-13-2…

Le bilan de compétences « salarié » est réalisé après la signature d’une convention tripartite entre le salarié bénéficiaire, l’organisme prestataire et l’O.P.C.A. (Organisme Paritaire Agrée) au titre du C.I.F. (Congé Individuel de Formation).

Au fil des années, le bilan de compétences s’est adapté à l’évolution socio-économique.

En fonction de la situation de la personne, qu’elle soit en emploi ou non, parfois de son âge, différents types de bilans ont été créés, comme par exemple : le bilan de compétences approfondi, le bilan de compétences professionnel, le bilan d’orientation, le bilan de compétences adapté, le bilan de compétences emploi jeune, le bilan de compétences jeune, ainsi que d’autres prestations comme le coaching, l’outplacement, etc…

Ces bilans répondent à des cahiers des charges très précis et établis par des commanditaires bien identifiés.
Il est important de préciser que si les bénéficiaires sont multiples et les commanditaires sont différents, le cœur de la démarche reste le même, quelque soit le bilan.
Nous accordons une importance particulière au respect :
- d’ une relation duelle entre un bénéficiaire et un seul accompagnateur,
- d’un bilan qui se déroule sous forme de rencontres hebdomadaires de quelques heures et ceci sur une période de plusieurs semaines.

C’est donc à partir d’un corpus de connaissances et de pratiques centrées autour de la notion de bilan de compétences, de l’accompagnement et de l’éthique, que nous vous avons présenté nos pratiques et la place du bilan de compétences dans notre histoire de vie.

NOS INTERVENTIONS

Morgane BINDEL

Il était une fois, l’histoire d’un homme qui travaillait dans l’immobilier. Il avait un certain nombre de compétences et de savoirs-faire et il était à l’aise dans son travail. Il se présente au centre de bilan avec pour objectif de changer d’orientation. En effet, il ne se retrouve plus dans la vente immobilière, mais pourquoi ? c’est aussi ce qu’il veut savoir…
Son parcours personnel et professionnel, malgré quelques embûches, est porté par des études supérieures et un projet de devenir notaire, projet qui n’a pu aboutir. Un réel savoir-faire en immobilier et des ouvertures vers la formation, la photographie ou l’expertise.
Les choix s’imposent. Seulement voilà, l’analyse et la mise en évidence des savoirs-être et des intérêts lui ont fait prendre conscience d’autres axes et priorités à investir. Monsieur est actuellement instituteur, quel défi !

C’est l’histoire d’une femme, 27 années d’exercice en milieu hospitalier en tant qu’aide-soignante. La démarche de bilan de compétences est portée par un souhait de changement professionnel, au regard d’un métier actuel qui, à ses yeux, ne prend plus vraiment en compte la dimension humaine dans le soin. Le fil conducteur de sa vie (vécu familial, projets, expériences, formation) est lié au soin et à l’approche du patient. Des compétences techniques, pédagogiques, organisationnelles et relationnelles, certes, des exigences et une réalité de vie à prendre en compte pour tout changement de cap, certes, des souhaits de travailler au domicile de personnes ou encore de devenir esthéticienne, certes ; mais avant tout, le bilan dégage une prise de conscience de choix difficiles et d’une réalité économique certaine. Le lien, entre la réalité et les valeurs au travail dégagent le souhait de rester aide-soignante et de se spécialiser en prévention de risques nosocomiaux, via un Diplôme Universitaire, pour ensuite former l’équipe à l’interne, voire, changer d’établissement hospitalier.

Travailler auprès des animaux, dans un magasin requiert un certain nombre de savoirs-faire, tant en terme d’hygiène, d’approche de l’animal, de gestion de stocks ou de relation clientèle. Effectuer un bilan avec un sentiment d’avoir fait le tour de la question et avec un souhait de fonder une famille et donc d’optimiser la gestion du travail et ses horaires requiert une analyse des acquis et des possibles en terme d’orientation.
Investir des valeurs de respect de l’environnement et de service à la personne conduit à cibler une orientation vers l’animation ou la formation.
Le tout dans un vécu professionnel où le harcèlement se développe, voilà des choix complexes qui lient Vécu/Capacités/Projet familial/réalité…le temps est une condition première dans la mise en œuvre des projets.

Comment lier la vie de famille (gestion d’une ferme familiale) à une pratique professionnelle prometteuse en terme d’évolution (industrie) et risquée en terme de licenciement (rachat de l’entreprise industrielle par un grand groupe) à la passion des animaux, notamment des chevaux ? Une polyvalence certaine, une garantie exigée, des acquis qui ne demandent qu’à être développées sont des piliers qui ont conduit aux choix de tenir une ferme pédagogique et de se former en industrie supérieure….du travail en perspective…

Le bilan est comme une construction à deux puis à un : le bénéficiaire sait où il peut aller et donc a cet espace de liberté de choix. Autant une assistante sociale qui souhaite élargir son horizon qu’une aide médico-psychologique qui vise à changer d’orientation sont des exemples de personnes qui ont identifié des possibles et qui choisissent finalement de rester en emploi. L’articulation entre les différents axes de vie fait émerger des axes de projection dans d’autres fonctions ou professions. L’analyse de ces axes ouvre à des scénarios possibles ou non et confronte le Vouloir au Pouvoir. Le tout est agrémenté ou plutôt baigné par la mise en évidence et la conscientisation des savoirs-faire, connaissances et savoirs-être. Quel passionnant travail artisanal en quelque sorte, car unique et individualisé…. !

Nathalie HERRANZ

La journée du 25 février 2006, organisée par l’association HIVIGO, avait pour thème la présentation du lien entre les bilans de compétences et l’histoire de vie. Pour l’illustrer, j’ai présenté mon expérience personnelle.

Après l’obtention du baccalauréat littéraire en 1998, j’avais le souhait de poursuivre des études supérieures de lettres. Mais pour des raisons matérielles et financières, j’ai dû y renoncer et me lancer rapidement dans la vie active. J’ai pensé que cette voie m’était désormais fermée, et que je devais suivre le chemin que la vie avait tracé pour moi. Je l’ai plutôt bien accepté, j’étais loin d’être la seule dans cette situation… J’ai débuté en 1999, dans les secteurs recruteurs à l’époque, en tant que téléconseillère. Puis, de fil en aiguille, par le biais de promotions internes, j’ai pu devenir chef de production. J’ai développé des compétences spécifiques sur le terrain, en matière de management et de formation, de recrutement, de gestion…

Mais en février 2005, j’ai été licenciée suite à mon refus de modifier mon contrat de travail. Je me suis alors retrouvée un peu perdue. J’avais accumulé beaucoup de savoir-faire, mais je n’avais pas de diplôme pour l’attester, ni pour obtenir une rémunération en adéquation avec mon expérience. Mon âge m’a aussi parfois desservie, certains de mes interlocuteurs doutant de mes possibilités réelles et même de la véracité de mon CV ! J’ai pensé à la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience)… J’avais par ailleurs toujours ce rêve de travailler dans la littérature, je continuais même à écrire pour mon plaisir personnel. Mais je n’avais pas effectué le parcours classique, je m’étais engagée dans une voie tout autre, la gestion de production. J’ai donc décidé de suivre un bilan de compétences, pour faire le point, et voir quelles possibilités s’ouvraient à moi.

Le bilan de compétences a fait bien plus que cela… Pour la première fois, la démarche a été inversée. J’ai été surprise de voir mon accompagnatrice s’intéresser aussi bien à mon expérience directe qu’à mes valeurs et à mon histoire personnelle. Et, au lieu de se demander quel projet professionnel je pouvais envisager en fonction de mon parcours et de mes compétences, nous avons d’abord cherché quel métier pouvait le mieux s’adapter à mes souhaits et à ma personnalité. J’ai appris à ne plus me demander « pourquoi », mais « pourquoi pas »…

Les tests et les entretiens ont clairement fait ressortir ma prédilection pour les domaines de la littérature et du social. Puis, nous avons vérifié la cohérence d’un projet de reconversion avec les compétences que j’avais réellement acquises lors de mes années de travail en entreprise. J’avais effectivement été responsable de production dans une unité d’édition de mailings publicitaires, mais j’avais à ce titre assumé la charge de la vérification des textes avant impression, par exemple. Oui, je pouvais me servir de mon expérience pour construire mon projet ! Ce n’était plus un frein, mais un moteur, il suffisait de la regarder sous une autre perspective et d’oser sortir des sentiers battus.

Mais il était essentiel de rester réaliste. Après avoir envisagé diverses possibilités de formation aux métiers du livre, nous y avons renoncé, car elles ne m’étaient pas ouvertes, toujours à cause des diplômes que je n’avais pu acquérir. Puis, j’ai eu le déclic ! J’ai réalisé que le métier qui correspondait le mieux à ma passion littéraire et à mon goût pour les relations humaines était celui d’écrivain public : aider les autres à s’exprimer par l’écrit ! Ce choix présentait des avantages et des inconvénients que nous avons étudiés avec recul et discernement. Certes, le diplôme n’était plus un obstacle pour m’installer à mon compte. En effet, il s’agit d’une profession libérale qui ne peut s’exercer sérieusement que dans ce cadre. J’avais aussi développé des capacités concrètes de gestionnaire que j’allais pouvoir utiliser pour me mettre à mon compte. Mais il fallait être conscient des risques d’une telle initiative. J’ai donc décidé d’entreprendre une formation à la création d'entreprise, pour combler certaines lacunes, me confronter à la réalité, mieux identifier mes points forts et mes points faibles… J’en ai conclu que cela restait risqué, mais tout à fait possible.

Et j’ai osé ! Je me suis immatriculée le 3 janvier 2006 en tant qu’écrivain conseil, créant ainsi mon propre emploi.

Le bilan a été le point de départ de ma prise de conscience et de ma reconversion...
Il offre la possibilité unique de bénéficier d’un conseil et d’un suivi personnalisés, qui tiennent compte à la fois de la réalité et de notre épanouissement. À mon sens, le travail ne peut devenir réellement stimulant que dans ces conditions, même si nous avons étouffé certains rêves, certaines de nos possibilités face aux impératifs de la vie. Prendre plaisir à travailler développe notre potentiel et notre créativité, et peut même accroître notre rendement ! Il est important de prendre vraiment conscience que conjuguer personnalité et savoir-faire serait bénéfique aussi bien aux entreprises qu’aux individus.

Joëlle BOLLE

Le bilan de compétences

C’est un cheminement à deux dont le but est pour le bénéficiaire, une appropriation de son devenir. Le bilan n’est pas uniquement un état des lieux, il tourné vers l’avenir et est dynamique.
C’est aimer aller à la rencontre de l’autre, car même si c’est lui qui physiquement vient vers nous, c’est aussi aller chercher qui est cette personne et surtout lui donner envie de livrer une partie d’elle-même, car comme l’écrit Alex Lainé c’est « réveiller l’expérience vécue, quelques peu endormie »
C’est respecter l’autre. Lors de voyages, l’identité professionnelle n’est pas nécessaire dans la rencontre, elle peut très bien ne jamais être abordée. Dans notre culture, le métier tient une place importante, il va permettre à une personne d’être considérée comme faisant partie de la population dite « active », ce qui pourrait laisser supposer que les personnes sans emploi sont donc « inactives ». Par ailleurs, l’individu est très souvent considéré comme responsable de sa situation, de ses ruptures.
C’est savoir cheminement à côté de la personne et donc parfois se positionner physiquement à côté et non plus en face de la personne, c’est respecter ses silences, ses émotions, son rythme….
C’est favoriser un espace et un temps de circulation d’idées, d’informations
C’est aussi un lieu et un temps de parole privilégiée, un espace de liberté d’expression pour la personne (verbale, non-verbale, émotionnelle…), tout en restant dans un axe de distanciation.
L’accompagnateur suscite les informations, les recueille, les analyse et les restitue, il devient passeur d’informations. C’est ne pas supposer, c’est se faire préciser le sens que la personne donne à un mot.
C’est accompagner avec parfois des temps qui sont des temps de « co-accompagnement » ou de « co-formation » puisque la personne est experte des éléments relatifs à son histoire de vie et que l’accompagnateur bilan se trouve alors en situation de découverte, d’apprentissage.

C’est savoir faire appel à des personnes ressources, c’est-à-dire demander conseil, analyser à plusieurs une situation puis pouvoir restituer une information réfléchie à la personne.
C’est avoir un rôle de facilitateur qui ne veut pas dire, faire à la place de, mais effectuer un travail de mise en sens et d’élaboration de projet. C’est rendre la personne actrice de sa situation professionnelle et personnelle, la rendre autonome dans ses recherches, dans une orientation qui se pose tout au long de la vie.
Pour Véronique Eriksson, qui en ressortant l’accompagnement comme l’art du voyage en compagnie dans le temps, l’espace et les « trous », met bien en exergue l’inventivité et la subtilité nécessaire pour « faire avec », avec le temps, l’espace, les ressources et l’incertitude.
C’est peut-être essayer de faire quelque chose de ce que Gaston Pineau nomme « ce bagage expérientiel ambivalent, rarement évident ».

C’est permettre à la personne de se projeter en s’autorisant à rêver. Lui donner envie d’explorer, de découvrir cet environnement qui est le sien et que parfois elle ne voit plus.
C’est l’amener à une prise d’autonomie dans sa capacité à s’orienter seul, à aller vers les autres, à créer un réseau professionnel potentiel (ne pas oublier les objectifs du bilan) et parfois à reprendre confiance en elle.
C’est aussi un retour à la réalité par un travail d’enquête, de rencontre de professionnels.
Toutes les démarches visent à développer les capacités de « projection » de la personne, à la rendre autonome, à lui permettre de s’approprier l’espace-temps du bilan et à se réapproprier son histoire pour lui donner un prolongement dans l’avenir.

La posture utilisée par l’accompagnateur bilan va être « mouvante », elle va être remise en cause à chaque nouvelle rencontre, chaque histoire de vie étant différente.
Une grande tolérance est nécessaire, ce qui demande de prendre du recul par rapport à ses propres valeurs, à ses habitus.

Cécile LERAILLER

ACCOMPAGNER DES JEUNES MERES EN BILAN DE COMPETENCES

En tant que mère, J’ai dû conjuguer investissement familial et professionnel. En tant que professionnel de l’accompagnement en insertion et en bilan de compétences, j’ai pris conscience que l’accompagnement des hommes et des femmes était à priori pensé de la même façon, alors que j’observais des différences significatives entre les problématiques femme-travail et homme-travail. Mes différentes lectures sur la question femme et travail soulevaient l’incontournable question de la « conciliation » de la vie professionnelle et de la vie familiale en France.

Je me suis donc interrogée sur l’impact de la maternité sur le rapport des femmes au travail et sur leur vie professionnelle. J’ai construit une recherche action qui articule trois axes : autobiographique, théorique et professionnel. J’ai travaillé à partir de l’histoire de maternité d’une femme, mère de quatre enfants et de mon histoire de vie. J’ai repéré des liens entre la maternité et le travail. Je me suis ensuite questionnée sur la façon de les prendre en compte dans l’accompagnement de jeunes mères en bilan de compétences. J’ai donc croisé mes résultats de recherche avec ma pratique professionnelle.

Ce travail de recherche montre que dans l’accompagnement des jeunes mères en bilan de compétences nous travaillons dans nombre « d’entre-deux », dans des « frontières » entre la vie personnelle, familiale et professionnelle. Nous construisons donc, dans l’interaction avec chacune de ces femmes, une pratique tenant compte de ces réalités.

Evelyne MAUSSANT-HENINGER

Thème : BILANS DE COMPETENCES et Mitan (mi-temps) de la vie
Ma problématique
Comment passe-t-on de la position existentielle du mitan de la vie à celle d’accompagnatrice de salariés au mitan de leur vie en bilans de compétences ?

I - Un nécessaire travail sur soi
Qui est Soi (concepts-clés de l’identité, de la perception de soi) Image de Soi, Estime de Soi. Identification de ses ressources propres (comprendre qui on est, ce qui nous anime ou nous contraint, ce qui nous réunit ou nous divise, ce qui nous dynamise ou nous mine)

Qu’est-ce que l’ « adulte mature » ? Quelle réflexion ; quelles éventuelles remises en cause Travail sur soi. Cheminement au fil des temps de la vie. Dialogue interne. Quelles valeurs existentielles ?

Selon les auteurs le »mitan de la vie » se situe entre 38 et 58 ans, l’empan est large compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie. Certains en parlent comme d’un temps de mal-être, de lassitude, d’insatisfaction, de crise, d’autres comme d’un « entre-deux ».

Le mitan de la vie : moment des bilans. Re-visite de son passé (état des lieux des événements positifs et négatifs, des erreurs commises, des réussites, prise en compte du temps qui passe -maladies, forces défaillantes, enfants grandissants, parents vieillissants, deuils…- de faits marquants, de rencontres significatives) Retour réflexif. Analyse. Prise de conscience de notre passage éphémère sur terre (cf.récit d’anniversaire de mes 42 ans)

Au mitan, la temporalité prend toute son importance (cf. temporalités en formation de G. PINEAU)
Comment se re-mobiliser pour cette deuxième partie de la vie ; quels objectifs réalistes se fixer alors que le temps joue contre nous, et que l’on n’a plus le droit à l’erreur ?

Ce moment suscite des questionnements existentiels tels que :
« Suis-je devenu ce que je rêvais d’être durant ma jeunesse ? Comment je me situe devant la fragilité et la brièveté de l’existence ? Quel est le sens de ma vie ?»…
Il a fait l’objet d’une littérature abondante (médecins, psychiatres, sociologues, psychologues, économistes, philosophes…)
Je retiendrai tout particulièrement Alain BAUBION-BROYE, Danielle RIVERIN-SIMARD (évènements et transitions) et Renée HOUDE se référant à D.J. LEVINSON et, bien sûr, à Carl Gustav JUNG (temps de la vie ; mitan de la vie).

Lorsque Jung, disciple de Freud, se sépara de ce dernier, il avait la quarantaine. Cette rupture amène Jung à réfléchir sur le processus d’individuation. « la croissance de la personnalité se fait à partir de l’inconscient »
Le processus d’individuation est un processus de formation et de particularisation de l’individu qui a pour but de développer la personnalité individuelle. Indivi - duation (rapport de l’individu et du collectif)
Selon Jung, cette croissance se réalise en « laissant ad-venir » une part active en nous, qui est faite de ce que nous n’avons pas développé, de parties restées archaïques, des aspects que nous ne voulons pas voir, « l’ombre ».

II – Cette quête de soi aboutit au travail AVEC les autres, les personnes que j’accompagne en bilans de compétences
Un métier, une formation,… une démarche, des supports, des outils (cf. les contributions précédentes de Joëlle, Morgane, Cécile) qui prennent tout leur sens dans une posture, la posture d’Accompagnement (d’après Gilles Lecocq, les cahiers pédagogiques n° 393, avril 2001)

« Accompagner l’autre, c’est accepter de se confronter à une pensée étrangère à ses croyances, c’est accepter de se confronter à des émotions qui résonnent en nous, c’est se risquer à s’ouvrir à une relation intersubjective, c’est ne pas chercher à précéder l’autre, c’est respecter ses choix, c’est être présent en étant soi ».

« Accompagner c’est faire faire (contractualiser, faire parler, écouter, faire écrire sa pratique, observer), accompagner c’est être (marcher à côté, guider quelqu’un avec qui on partage quelque chose ; être empathique (ce que dit l’autre n’est ni bien ni mal) ; reconnaître, valoriser, encourager, aider ; c’est marcher avec, à côté, pendant un bout de chemin. »

D’après une enquête de satisfaction réalisée par le Centre de Bilans de Compétences que j’ai créé, sur 100 salariés, dans le contexte d’une démarche qualité, cet accompagnement a pour effets de :
• Se mobiliser sur un projet ; valider un projet de métier, de création d’entreprise
• Mieux se connaître et savoir se valoriser
• Prendre conscience de ses compétences, de sa contribution, de sa valeur ajoutée dans l’entreprise
• Donner un sens à ce qu’on fait
• Prendre conscience de ses réelles envies
• Faire émerger des choix existentiels (projet professionnel dans le projet de vie)
• Mieux négocier une transition, un temps de passage, une mutation
• Préparer une évolution dans l’entreprise ou une reconversion ; passer par une reprise d’études
• Faire valoir son employabilité en connaissance de cause avec le marché de l’emploi
• Accompagner les quinquas vers une nouvelle façon de travailler

Conclusion : Une vocation, une éthique
Suis-je une généraliste ou une spécialiste des sciences sociales appliquées ? Je n’en sais rien exactement. Je ne suis porteuse d’aucun métier, car mon métier n’est pas un fardeau. Il me nourrit, de toutes les façons possibles, je ne suis pas porteuse, mais portée. Et comme j’essaie d’ouvrir des portes à autrui, je suis « portier » !
Par quel métier suis-je portée, me demandez-vous ? Je réponds volontiers que je suis accoucheuse, passeuse…ce métier d’aidant m’aide moi aussi. Ainsi il ressemble un peu plus au métier de vivre.


BIBLIOGRAPHIE PROPOSÉE

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