Hivigo
Histoires de vie Grand Ouest

39, Rue André Brohée
37540 Saint Cyr sur Loire

Janvier 2010

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Compte rendu de la journée du 25 janvier 2003 Tours

Histoires de vie et éducation spécialisée

Participants :
Philippe Bagros. Dept de sciences humaines en Médecine Fac de Médecine Tours
Domingos Penha. Educateur spécialisé. Chef de service à l’association La Source(37).
Gaëlle Siméoni. Educatrice spécialisée au Foyer Occupationnel des Hermites
Nicole Croyère. Cadre soins palliatifs . Met en place des évaluations de qualité.
Christine Lecoq Sureau. Responsable de formation d’apprentis de la ville de Tours.
CFA Tours nord
Rémy Baudoin. Formateur à Angers
Gaëlle Barbarin. Educatrice spécialisée
M.Noëlle Arnault Sabatier. Monitrice éducatrice dans un centre d’hébergement et
de réinsertion sociale.
Joëlle Bolle Impliquée dans les récits de voyages. Culture,
interdisciplinarité et histoires de vie.
Evelyne Henninger-Maussant, Responsable d’un centre de bilans de compétences.
Hervé Lafargue Intervenant. Chef de service d’un foyer d’hébergement
et d’accompagnement à la vie sociale.
Natacha Lamblin. Intervenante. Educatrice spécialisée dans un service d’éducation spécialise et de soins à domicile pour déficients intellectuels. SESSAD (36).
Francine Sébilo. Intervenante. Educatrice spécialisée en milieu ouvert. (72).
Christine Abels Formatrice à l’ITS de Tours.
Gaston Pineau Professeur à l’université de Tours.
Edith Chabot. MCF en Sciences de l’Information et de la Communication à l’IUT de Tours


Absents excusés :
Christophe Niewiadomski est absent pour raison de santé.
Murielle Molinié et Alex Lainé pour des raisons personnelles.


L’intimité et la vie en collectivité Hervé Lafargue

Hervé Lafargue est chef de service d’un foyer d’hébergement et d’accompagnement à la vie sociale. C’est dans ce foyer qu’a été réalisée cette étude. Il y a 15 résidents.

Cadre de la recherche et problématique
- Notre société pénètre de plus en plus souvent l’intimité.
- Un ado a donné cette définition de l’intimité : “ on n’a nulle part ou aller pour pouvoir pleurer tranquillement ”
- En quoi une collectivité peut-elle mettre à mal l’intimité ?
- La notion d’intimité. Elle est liée au concept d’espace, au statut de la personne handicapée mentale.
Outils
- L’observation participante
- La tenue d’un journal de recherche (carnet de bord ; récit d’expérience).
Ainsi ils donnent eux-mêmes la signification de leur expérience vécue.
- En outre 5 entretiens dont deux avec la même personne
Conception professionnelle
- des valeurs. En particulier le respect. Avec en amont une conception de l’Homme. Réfléchir à son passé et à son devenir, et être capable de se responsabiliser.
- comprendre ce que les résidents entendent par “ vie privée ”.
- Le paradoxe de devoir rentrer dans la vie privée pour la comprendre se résout grâce à la contractualisation. Difficulté de rendre les questions compréhensibles ; de ne pas réveiller certaines douleurs.
- Le récit permet de replacer l’intimité dans un récit d’expérience de la vie institutionnelle.
Connaissances retirées de cette étude.
- Importance de la contractualisation.
- Difficulté d’accepter ce qui est dit, et pour cela, faire abstraction de ses propres représentations. Ceci a été une acquisition plus importante que le contenu même.
Quelques exemples de surprises :
Pour trouver de l’intimité, il fallait aller dehors, dans le bois.
Il y a des stratégies inattendues, comme éteindre les lumières dans sa chambre pour que les autres ne viennent pas (ils pensent qu’il n’y a personne ; sinon ils viendraient sans qu’on les y invite).
L’intimité c’est autant ne pas gêner les autres que ne pas être gêné soi même. Il y a un habitus institutionnel au sens de Bourdieu : ainsi l’absence de rideaux dans les dortoirs finit par modifier la conception de la pudeur ; la nudité et la masturbation font partie du décor.
L’odeur pour se protéger de l’intrusion… !
Pourquoi cela provoque de la colère de dire qu’il faut donner le linge à laver ? Le mélange de son linge avec celui des autres est une agression à l’intimité.

On a pu noter une différence entre les adultes qui ont un long passé institutionnel, donc en collectivité, (peu d’intimité et de pudeur) et ceux qui ont vécu dans leur famille, dans le monde ordinaire, et ont donc intégré intimité et pudeur.
Il y a une autoformation : est-ce qu’on sait naturellement dans une institution de ce type qu’on a le droit d’être respecté ? L’intimité s’apprend….Le seul fait d’avoir abordé la question de l’intimité à l’occasion de cette étude a entraîné une prise de conscience.
On a vu des comportements nouveaux :
Dire “ tu n’as pas le droit de pénétrer dans ma chambre ”.
Les gênes ont pu s’exprimer entre les résidents. Le désordre n’est plus ignoré.
Ecrire sur sa porte “ frapper avant d’entrer ”.
Ils ont écrit un contrat avec les éducateurs et le directeur.
Valorisation des savoirs d’expérience des résidents.

Lectures pouvant approfondir la réflexion induite par ce travail :
Libres ensemble de François de Singly.
La trame conjugale de J.Cl. Kaufmann


Natacha Lamblin raconte son expérience d’éducatrice spécialisée dans une maison d’éducation pour déficients intellectuels et ensuite dans un service d’éducation spéciale et de soins à domicile( SESSAD) et l’apport de la pratique des histoires de vie dans cet accompagnement éducatif.

Cadre de la maison d’accueil
- La maison accueille 10 adolescents pour des séjours de cinq semaines, séjour de découverte d’une autonomie sociale qui se double d’un stage en milieu professionnel. Le groupe est accueilli par une équipe d’éducatrices qui travaillent chaque jour en doublure .
- Les jeunes sont des déficients intellectuels légers. Leurs déficiences les empêchent de suivre une formation classique, mais n’excluent pas la formation professionnelle.
- Cette formation s’effectue au sein de l’institution « mère », Institut médico-éducatif qui se situe à une trentaine de kilomètres de la maison d’accueil pour les stages.
- Ils peuvent être accueillis dans l’institution à partir de 12 ans, et repartent à 20 ans maximum, ce qui paraît souvent bien tôt. On souhaite souvent que leur famille puisse les reprendre quelque temps mais après une longue habitude de séparation, ils découvrent souvent seuls la vie autonome en appartement.
- Durant la prise en charge au sein de l’IME, ils apprennent beaucoup de techniques qui comblent les manques aussi bien en vue d’un métier que dans des actes de la vie courante personnelle, comme tenir un appartement.
- Avant 14 ans ils font le tour des 5 ateliers (cuisine ; horticulture ; peinture ; maçonnerie ; ou préparation à un travail en CAT) et doivent assez rapidement choisir leur orientation professionnelle. Il y a dans chaque atelier un volet théorique et un volet pratique. Paradoxalement plus le jeune est compétent professionnellement plus tôt il arrêtera le volet théorique.

Cadre du Sessad
- Après être intervenue dans le cadre de l’accompagnement des jeunes adultes à la suite de leur sortie de l’établissement, l’intervention éducative de Natacha, s’effectue dans le cadre d’un service d’éducation spéciale et de soins à domicile.
- Après un parcours en institution, certains jeunes ont une orientation vers ce service.
- Ceci leur permet d’être accompagné par une équipe constituée de professionnels éducatifs paramédico et médico (orthophoniste, psychomotricien, psychiatre, psychologue), professionnels que le jeune adulte peut solliciter en cas de besoins.
- Ils bénéficient donc d’un accompagnement tout en étant indépendant ( habitent seul en appartement) et en travaillant dans le milieu ordinaire de travail.
- L’observation de recherche se fait donc auprès de jeunes qui ont été suivi en institution et qui ont à présent un suivi « à distance », ne vivent plus en internat.

Analyse des échecs observés après la sortie (à 20 ans)
- Il y a une proportion notable d’échecs (considérés comme tel par l’équipe de l’établissement) qui se traduisent souvent par des changements d’orientation après la sortie. Par exemple “ on n’avait pas osé dire qu’on n’aimait pas l’horticulture ”. Peut être s’est-on trop fixé sur les déficiences, en oubliant les désordres propres à l’adolescence. On avait un projet pour eux. C’est par des passages à l’acte, rupture avec l’institution, que ces jeunes finissent par se faire entendre. Dans l’institution, ils ne se sentent pas autorisés à dire ce qui ne leur convient pas ; ils le font ensuite, quand ils reviennent pour en parler ; parfois pour dire “ maintenant que je suis chez moi j’aimerais bien le faire ”. “ apprendre à écrire pour pouvoir tenir un journal intime, et pouvoir montrer un jour quelque chose à mes petits enfants ! ”.
- Au sein de ces deux structures d’accompagnement, natacha a proposé des ateliers d’histoire de vie afin de créer un espace possible d’élaboration pour ces jeunes adultes, espace de parole sur leur histoire et sur leur devenir.

Le cas Jézabel
Jézabel est sortie de l’institution après avoir obtenue un contrat à durée déterminé
chez un boulanger, renouvelé plusieurs fois puis non renouvelé : Il fallait savoir lire et écrire…. L’employeur le souhaitait sans aller jusqu’à la demande A la sortie de l’jnstitution, elle est orientée vers le Sessad.
C’est dans ce cadre d’accueil que jézabel a souhaité entamer un récit de vie. Elle a plusieurs interrogations sur son histoire. Après échec des tentatives d’apprentissage de l’écriture la conclusion est “ tu es dyslexique » , parole qu’elle a entendue dans un lieu où elle s’est rendue pour faire une formation de remise à niveau en français. Lors d’une consultation d’orthophoniste (consultation demandée par la jeune), celle-ci dit : “tu n’es pas dyslexique : quand tu seras prête, tu pourras apprendre ”. Elle a pu ultérieurement reprendre une démarche pour apprendre à lire dans une association de quartier.
La demande de faire son récit de vie vient après les problèmes professionnels. C’est paradoxalement à un moment de chômage où elle n’était plus préoccupée de conserver son emploi et n’était plus prise dans la demande d’un autre pour apprendre à lire.
“ J’aimerais raconter plus tard ma vie, comme ma grand mère ”.Elle a choisi un cahier. Natacha est venue dans sa chambre. Le récit a été enregistré , écrit et donné à Jézabel qui s’aperçoit alors qu’elle arrive à relire certains mots, et finalement le recopie dans son journal intime .Elle souhaite effectivement que l’écriture sur son cahier soit la sienne.
“ C’est bien d’avoir appris à parler, maintenant je vais pouvoir aller voir le psychiatre du service ”.Fut l’une de ses paroles après une première rencontre pour faire son récit.
Au cours de ce travail, elle a donné un sens aux difficultés qu’elle a rencontrées à l’école, elle dit avoir eu la tête prise par ce qui se passait à la maison. » Il y avait tant de violence à la maison que je ne pouvais pas me concentrer à l’école ».
Grâce au contact de l’éducatrice spécialisée à travers cette rencontre, elle a pu « s’autoriser « à faire des choix pour son avenir professionnel. Après ce temps de pause pour elle, elle a demandé à travailler dans un CAT (“ et tant pis si cela ne plait pas à mon père ! ”)
Elle a trouvé une place en CAT et a eu une maternité…(en même temps que Natacha),elles ont repris contact et ont eu un échange sur ce vécu de maternité, échange entre deux « jeunes mamans ».

Conclusion :
- Par rapport à l’accompagnement éducatif dans un SESSAD :
- La transdisciplinarité recherchée dans ce type de service pourrait se manifester ici par la reconnaissance du savoir des personnes accueillies, la prise en compte de ce savoir dans le partage des différents regards de chaque intervenant du service pour arriver à un savoir commun : un savoir de la personne.
- En écoutant les récits de vie de ces jeunes adultes, nous prenons conscience qu’ils peuvent être pris dans des conflits de loyauté non seulement avec leur famille mais aussi avec les adultes qu’ils rencontrent dans leur prise en charge éducative et que sans une prise en compte de leur existence, leur orientation, leurs projets n’ont que peu de sens pour eux et on risque de les placer dans l’impossibilité de faire entendre leur désir autrement que par la rupture ou le passage à l’acte.

Francine Sébilo rapporte “ une pratique d’histoire de vie avec des parents en AEMO (Action Educative en Milieu Ouvert) avec le support de l’arbre généalogique.

C’est le travail d’une éducatrice spécialisée intervenant dans les familles, donc hors institution, au moment ou une situation est considérée comme dangereuse. La demande initiale émane des parents et est adressée à l’assistante sociale de quartier. C’est souvent sur décision d’un juge d’enfants après une enquête sociale. Il faut ensuite rendre compte au juge, tout en définissant dans la synthèse d’autres objectifs. Les parents signent le contrat. Lorsque le danger vient des parents, l’intervention est basée sur un signalement.
Il s’agit de problèmes de délinquance, de problèmes scolaires, de suicides, de fugues.
On peut travailler avec la famille sur une longue durée, avec des entretiens soit au bureau, soit à domicile. Avec les enfants ce peut être aussi des sorties. L’accent est mis sur les parents. Des bilans périodiques permettent de dire un jour “ vous n’avez plus besoin de moi ”.

Les familles se réfèrent habituellement à un passé récent, et ont des difficultés à aller plus en arrière. Quand il y a maltraitance elle est souvent banalisée par l’intéressé.


Le contrat ;
Confidentialité : certaines personnes ne doivent pas être mentionnées dans le rapport au juge.

Utilisation de l’arbre généalogique.
Exemples :
- Ex 1) Une dame fait le constat que dans sa famille il y avait de la violence, et elle se demande si elle va transmettre cela à ses enfants. Sur 3 enfants, l’un, un garçon, est le préféré de la grand- mère. Les parents se culpabilisent des difficultés que cette injustice crée chez les autres.
- Ex 2) Une femme séparée d’un homme maltraitant. Elle se demande pourquoi en 15 ans elle l’a fait revenir à plusieurs reprises.
- Ex 3) Questionnement sur les relations entre les membres de la famille.

Utilisation de dessins, et de ce qui est dit autour du dessin.
Les entretiens sur l’arbre généalogique durent environ 1h30. Il y a une grande fluidité de parole autour du travail de mémoire. On peut passer 6 heures sur une histoire familiale.
Le récit s’attarde sur des zones confuses. Des sentiments ambivalents s’y manifestent. Des questions de mise en sens émergent à ce moment là. On remet de l’ordre dans les générations ; On découvre le contexte social.
Il y a construction identitaire au moment ou, par exemple, le père a pu considérer qu’il en savait assez sur son histoire familiale et a cessé d’envisager un effet destructeur de sa famille sur ses enfants.
Il y a un processus de dégagement : on s’est libéré du récit familial.
Au-delà se pose le problème de l’ouverture ultérieure du dossier.


Christine Abels Les enfants placés et leurs parents, dans une quête de place et Sens.

Les enfants protègent leurs parents. Ils mettent le plus souvent sur eux-mêmes la responsabilité des dysfonctionnements parentaux. Le récit que les enfants ont produit et ont adressé à un interlocuteur leur permet de comprendre les conditions dans lesquelles les parents ont été amenés à les placer. On situe la cause de la séparation enfants-parents dans un ensemble dont ils n’avaient pas conscience, à partir d’un retour et d’une réflexion sur les conditions concrètes d’existence de la famille avant la séparation qui conduit au placement ; l’enfant réalise alors qu’il n’y est pour rien, et cela sans avoir à disqualifier ses parents.
Parfois le placement est injustifié, mais provoque une “ descente aux enfers ” des parents, qui justifie ensuite le placement.
Beaucoup de parents finissent par s’en sortir grâce à l’intervention d’une personne ressource qui les restitue à leur place de parents qu’ils peuvent se réapproprier : “ vous êtes la mère ;il n’y a que vous ;vous avez le droit d’aller chez le médecin , d’aller à l’école ”.

Il s’agit de permettre aux enfants de retrouver une place d’enfants, et aux parents une place de parents.