Hivigo
Histoires de vie Grand Ouest

39, Rue André Brohée
37540 Saint Cyr sur Loire

Janvier 2010

Consultez désormais le blog de l'association à l'adresse suivante :
http://hivigo37.over-blog.com/


Accueil


Bureau

Calendrier

Prochaine journée

Comptes rendus

Textes

Journées de 2004 à 2006

Informations

Contact

Journée Hivigo du 25 novembre 2006


Présentation du livre de Christine Abels-Eber
"Pourquoi on nous a séparés ? Récits de vie croisés : des enfants placés, des parents et des professionnels"
avec la participation des auteurs des récits et d'Eugène Enriquez

Compte rendu rédigé par Patrice Audurie

Matinée exceptionnelle ! La présence de plusieurs auteurs de récits a illuminé cette matinée automnale. Une belle histoire de rencontres.

Avant que chaque auteur de récits ne s’exprime, Christine Abels-Eber évoque le déroulement de la construction de cet ouvrage en indiquant les étapes qu’elle a connues suite à la parution de son premier livre. Construction faite de rencontres avec des travailleurs sociaux et des parents d’enfants confiés.

Elle est indignée - en colère - par l’absence de considération des travailleurs sociaux à l’égard des personnes en difficulté.

Elle précise cependant que son livre traite de parents en difficulté sociale, jamais maltraitante à l’égard de leurs enfants.

Elle revendique l’importance de devenir des porte-parole des exclus de la parole et de l’obligation de prendre conscience de la parole de ceux qui vivent des difficultés sociales.

Après cette introduction, joignant de nouveau la parole à l’action, elle donne ainsi la parole aux auteurs des récits alimentant son ouvrage.

Marie, mère d’une enfant placée à l’Aide Sociale à l’Enfance, indique ses sentiments, ses impressions quant à la valeur de sa parole face aux divers travailleurs sociaux. Elle ne cessait de répéter le même discours, au mot près, pour ne pas être accusée de mensonge ou de manipulation.

Avec émotions, elle reconnaît la qualité d’écoute de Line et d’Anne qui l’ont accompagnée durant le placement de sa fille à l’ASE et au cours de la mesure d’Assistance Educative en Milieu Ouvert (AEMO).

Elle souhaite que son expérience puisse aider d’autres parents à mieux prendre leur place parentale dans de telles situations.

Dorothée, fille de Marie et, elle-même, mère depuis peu, indique qu’elle a découvert l’action de sa mère lors de la lecture des récits que celle-ci leur a fait dans le cadre de l’écriture de cet ouvrage. Elle en fut étonnée et a pris conscience de la force de Marie au cours de ces années d’éloignement.

Elle indique également que la famille d’accueil lui permis de se reconstruire tout en conservant sa place d’enfant et de fille auprès de sa mère malgré les tensions vives qui pouvaient parfois exister entre elles deux.

Le placement génère aussi des déplacements à l’intérieur des classes sociales. Ces deux personnes (mère-fille) ne parlaient plus de la même chose sous le même mot.

Line, l’assistante familiale qui a accueilli Dorothée rappelle combien est difficile de travailler avec un service qui ne cesse de nommer des éducateurs référents auprès de l’enfant confié : 4 en 7 ans d’accueil.

Elle évoque aussi son souci de ne jamais prendre de décision sans préalablement avoir discuté avec Marie.

Anne, l’assistante sociale exerçant une mesure d’AEMO auprès de Marie, s’interroge sur la façon dont les travailleurs sociaux peuvent répéter les actions pour que rien ne bouge. Elle précise la prise de risque qu’elle s’accorda pour permettre à cette femme de redevenir mère et pour comprendre les processus dans lesquels elle pouvait être.

Monsieur G, directeur d’une institution tourangelle, questionne les mots du travail social, de l’intervention éducative. Des mots souvent jugeants, méprisants, dévalorisants, inadaptés. Cet homme regrette que prendre des risques actuellement ne soit plus reconnu comme une action pertinente et responsable.

Avant de quitter la salle en raison d’obligations familiales, Marie et Dorothée rappellent la difficulté et l’épreuve d’être stigmatisées sans cesse en raison d’une histoire personnelle marquée de difficultés sociales.

Gaston Pineau signale l’exceptionnalité de cette rencontre tant le croisement des dialogues se révèle riche. Il présente également l’auteur de la préface du livre de Christine Abels-Eber, légende vivante de la psychosociologie, de la réflexion sur le changement social.

Eugène Enriquez, donc, clôture cet échange par ses réflexions et ses interrogations. Entre l’omnipotence de certains travailleurs sociaux et l’impuissance de certains autres, la voie certes délicate et éprouvante de la prise de risque est indispensable.

S’engager avec attention dans une attitude pragmatique, d’écoute au cas par cas, laisser la parole à celui qui la prend deviennent des atouts professionnels dans nos sociétés d’insignifiance et d’inégalités.

« Il n’y a pas de bonne institution ! » rappelle t-il avec force et convictions. Cependant, il est obligatoire de s’interroger sur le fonctionnement de chaque institution pour ne pas se leurrer et tromper l’autre.

Il revendique aussi l’art de converser, l’art de la conversation dans le travail social.

Il oblige à repenser la relation éducative avec le concours des éléments suivants : la proximité confiante et la distance méthodologique.

Cette belle rencontre se termine sur une invitation à (re)lire Paul Ricoeur tant cette demi-journée peut en être une illustration.